Action en Garanties des Vices Cachés

Action en garantie des vices cachés:une procédure unique , sinon rien. Par Gabriel DAHAN Doctorant en Droit Huissier de Justice près le TGI de Nantes

Vices cachés, rédhibitoires ou tout simplement affectant la chose vendue sont avec les notions de responsabilités les mots les plus communément usités à la fois des juristes et des justiciables, qui trouvent sur ce terrain riche de sources de conflits de quoi affûter la lance des premiers et d’assouvir la volonté de recouvrer la pérennité des droits qu’ils estiment floués pour les seconds.

Dans le cadre d’une vente , le vendeur est débiteur ,contre paiement ,de son acquéreur d’une obligation de délivrer l’objet du contrat à la fois en conformité avec la volonté des parties tout en restant tenu à l’égard de l’acheteur” de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ,ou n’en aurait donné qu’un moindre prix ,s’il les avait connus”(Art. 1641 du Code civil). A première lecture, à travers ce texte à caractère général , l’homme de la rue ne décèle aucune difficulté d’interprétation lui trouvant même des vertus inespérées, au point de reléguer les garanties contractuelles à géométrie variable proposées par tel ou tel constructeur au rang du prospectus publicitaire .

En effet , tout vendeur , même non professionnel –et Dieu sait si les vocations sont multiples en certaines matières notamment automobile ou immobilière-est tenu à un service après-vente légal , et a fortiori obligatoire. Néanmoins, la multiplicité des domaines où cet article trouve à s’appliquer :”vente de toutes marchandises et de tous objets” (Civ.1re. ,16 févr.1983:Bull. civ. I, n°65) traitant de la chose vendue et de ses accessoires ainsi que les diversités de la nature des vices pouvant l’affecter a donné lieu à un important contentieux que la Cour de cassation a cependant laissé à l’appréciation des juges du fond quant à la notion de vice caché (Civ. 3è.,22 Janv.1997:Bull. civ.III , n°23) qui peut à la fois être constituée pour exemple et de manière non exhaustive, à la lecture de l’abondante jurisprudence traitant de cette dense matière, de la garantie du vendeur quant : au potentiel technique d’un matériel ou d’une machine, au caractère défectueux d’un matériau de construction ,à la consommation excessive ou à une fuite de lubrifiant d’une automobile, au défaut de conception d’un moteur ou d’un appareil , au caractère inutilisable d’un parking du fait d’un ouvrage le rendant inaccessible ,au risque d’inondation du sous-sol d’une maison le rendant inhabitable et donc impropre à sa destination.

Les choses en seraient restées à ce simple stade de suivi procédural si des cumuls d’actions entre erreur et vices cachés ou entre non-conformité et vices cachés n’avaient assombri le paysage, et allongé la route du justiciable vers l’issue d’une action qui pouvait devenir à double cliquet. La multiplicité des options tendant vers un but unique apparaissait nuisible au point de paralyser la procédure à défaut de la vicier. Et la logique chronologique de reprendre ses droits . L’erreur trouvant son origine dans la phase de la formation du contrat , la non conformité s’insérant dans sa réalisation , pourquoi ne pas consacrer à l’action pour vices cachés le morceau du roi : la bonne exécution de l’obligation?

Dans un arrêt du 5 mai 1993 (Arrêt Gosse ,D.1993, Jur. p 506, note A. Bénabent ) la première chambre civile de la Cour de cassation a rejoint l’interprétation de la troisième quant à la nécessaire distinction désormais de mise entre délivrance conforme et garantie des vices cachés : aucun mélange des genres ni de mixité des procédures ne sera désormais admis . Les deux notions sont reconnues différentes quant à leur nature –rien de neuf- distinctes quant à l’éventuelle date de la naissance du litige –rien de plus concret que par le passé – et désormais , fait nouveau et notable , elles doivent impérativement , pour avoir la moindre chance de prospérer faire l’objet des procédures que le Code civil leur a respectivement attribué.

Dans un arrêt du 24 avril 2003 (Cass.3è civ., n°515 FS -P+B),la troisième chambre civile de la Cour de cassation a une fois de plus tranché , refusant le cumul d’actions entre la non conformité aux stipulations contractuelles nées de l’article 1147 du Code civil et la garantie des vices cachés au sens de l ‘article 1641 précité censurant les juges d’appel affirmant que “le défaut qui rend la chose impropre à l’usage auquel on la destine constitue un vice caché”. On en déduira donc qu’un bémol est ainsi mis aux perméabilités des deux actions désormais distinctes et non plus complémentaires , aucun glissement ne pouvant s’opérer favorablement à l’initiative du co-contractant . Et l’acquéreur lésé de feuilleter patiemment les pages de son Code civil aux articles 1641 et suivants pour découvrir qu’il est soumis , condition de recevabilité de son action en garantie des vices cachés, à un bref délai pour intenter son action (art.1648 Civ.), notion voisine du certain temps nécessaire au refroidissement du fusil du conscrit.

C’est précisément à ce bref délai que les adeptes de l’article 1147 précité tentaient d’échapper. Dans sa décision du 24 avril 2003, les juges suprêmes n’ont pas abordé ce détail pourtant d’importance , sujet de beaucoup de critiques ( Voir :Le bref délai de l’article 1648: chronique d’une mort annoncée par Anne Hervio-Lelong , D.2002, chron., p.2069) , et qui ,à défaut de précision qui nous apparaît relever pour l’instant tant de la pure loi du terrain que de la pure interprétation prétorienne que le texte ,tel qu’il est libellé en son premier alinéa, autorisera encore longtemps à travers ces termes :”L’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur ,dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires , et l’usage du lieu où la vente a été faite”. Les adeptes de la précision trouveront néanmoins un os à ronger à la lecture de la deuxième partie de ce texte qui dispose qu’en matière de vente d’immeuble à construire , hypothèse objet de l’article 1642-1 du Code civil, “l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents.”

Le prix de la course reste plus que jamais de mise. L’acquéreur lésé trouvera néanmoins une satisfaction de taille : inutile de se perdre dans d’inutiles dédales procéduraux , il suffira de concentrer ses efforts pour courir son sprint à l’intérieur du bref délai . Ce sport est d’ailleurs nettement plus aisé à réaliser en ligne droite.