Compte Bancaire, Rémunération et Insaisissabilité

COMPTE BANCAIRE, REMUNERATION ET INSAISISSABILITE

Le compte bancaire insaisissable existe bien, encore faut-il que le débiteur connaisse les armes adéquates pour faire valoir ses droits En instituant la saisie attribution sur compte bancaire, le législateur du 9 juillet 1991 a voulu à travers les articles 42 à 47 de cette loi de 1991, et des articles 55 à 79 de son décret d’application du 31 juillet 1992, donner à cette procédure une efficacité maximale qui se traduit procéduralement et intellectuellement parlant à transférer la provision du compte saisi depuis le patrimoine du débiteur vers celui du créancier à compter de l’acte de saisie attribution ,le transfert réel ne s’opérant qu’en l’absence de contestation ou en présence d’un acquiescement du débiteur.

Deux tempéraments sont néanmoins à prendre en considération .Le premier est tout normalement lié aux événements ayant pu affecter le compte bancaire dans un délai de quinze jours, délai dit de contre-passation des effets selon les modalités explicitées à l’article 47 de la loi, et ce afin de tenir compte des opérations de débit et de crédit ayant pu affecter le compte bancaire dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la mesure d’exécution ,et ce selon des modalités très précises laissées à l’initiative du tiers saisi sous sa bonne foi exclusive sachant que ce dernier reste tenu d’une obligation de concours actif telle qu’elle découle de l’article 24 de la loi. Le deuxième tempérament de taille à cette mesure grave, est exclusivement institué en faveur du débiteur « malheureux » et démuni ; à savoir la nécessité de tenir compte des insaisissabilités de droit régissant les part insaisissables du salaire tout comme s’il s’agissait d’une mesure d’exécution portant sur les rémunérations du redevable. L’article 15 de la loi dispose en effet que gardent leur caractère d’insaisissabilité ,les créances qui par nature sont…. insaisissables, quand bien même seraient-elles versées sur un compte bancaire.

Se pose alors la double problématique de la connaissance par le créancier saisissant ou du moins par son mandataire de ce caractère insaisissable d’une part, et d’autre part les modalités de mise en œuvre de cette « immunité d’exécution » dont seul le débiteur est a priori informé. Le tiers saisi peut l’être également, s’il s’agit d’un organisme bancaire auprès duquel le redevable a pour coutume de faire virer ses salaires par l’employeur, ou banque auprès de laquelle sont versées les sommes qui lui sont dues au titre des rémunérations du travail salarial , seules bénéficiaires du régime dérogatoire à une saisie absolue et totale. Le mode de versement de la rémunération revêt à notre sens un aspect capital en cas de mise à contribution du tiers saisi pour permettre au débiteur de bénéficier de la mesure d’insaisissabilité.

Les articles 44 à 47 du décret du 31 juillet 1992, régissent la procédure applicable pour permettre aux sommes versées sur un compte de conserver leur caractère d’insaisissabilité. L’article 44 dispose en effet que « lorsqu’un compte est crédité du montant d’une créance insaisissable en tout ou partie, l’insaisissabilité se reporte à due concurrence sur le solde du compte. » C’est alors, ainsi qu’en dispose l’alinéa 2 de ce même article, que le débiteur, titulaire du compte saisi, doit pour faire valoir ses droits, demander au tiers saisi que doit laisser à sa disposition une somme d’un montant équivalent à la quotité insaisissable de sa rémunération, et ce en justifiant de l’origine des sommes. C’est la demande qui doit néanmoins intervenir préalablement au paiement par le tiers saisi des sommes saisies attribuées au vu notamment d’un acquiescement, certificat de non-contestation, ou décision du juge de l’exécution.

C’est donc tout normalement, en application de ces mesures dites d’humanisation des procédures d’exécution, que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, c’est prononcée dans un arrêt du 27 juin 2002, sur le sort des sommes insaisissables versées sur un compte provenant de créances à échéances périodiques, statuant en faveur de l’insaisissabilité sur la totalité du solde créditeur du compte. Il s’agit en l’espèce du sort réservé à un avis à tiers détenteur, dont la jurisprudence admet désormais qu’il dépend d’un régime commun en son application avec la saisie attribution , même si dans sa modalité de mise en œuvre, l’ATD diffère de la procédure de droit commun . En l’espèce, le débiteur plaidait la reconnaissance de l’insaisissabilité de son compte bancaire qui était exclusivement alimenté par des sommes insaisissables, à savoir la quotité insaisissable de ses rémunérations. En l’occurrence, les hésitations précédemment rencontrées quant à l’adoption de l’insaisissabilité totale du compte saisi ou partiel, n’apparaissent plus d’actualité, la juridiction suprême s’étant prononcée en faveur d’une insaisissabilité absolue portant sur la totalité du solde créditeur. L’article 44 du décret précité ne dispose-t-il pas en effet que quand bien même le compte serait alimenté par une créance insaisissable en tout ou partie, l’insaisissabilité serait portée à due concurrence sur le solde du compte.

C’est à la fois une solution humaine et salutaire que la Cour de cassation a voulu consacrer mettant en exergue la nécessaire protection dont doit bénéficier un débiteur salarié, sous peine de créer une distorsion entre la nature du salaire resté entre les mains de l’employeur , et ce même salaire une fois transféré sur un compte bancaire . En matière commerciale toutefois, une telle insaisissabilité ne saurait prospérer, pas plus qu’en matière de contributions au titre d’honoraires perçus par un professionnel libéral , les rigoureux effets de la saisie attribution s’appliquent alors de manière pleine et entière. Les tempéraments liées à l’insaisissabilité ne trouvent alors à s’appliquer qu’en matière de traitement, salaire, d’allocations de retraite ou au titre d’un handicap, prédisposant ainsi un projet qui avait été pressenti par la précédente majorité gouvernementale qui avait en son temps élaboré un décret visant à instaurer le solde bancaire insaisissable en faveur des plus démunis. La jurisprudence a désormais rappelé une fois encore l’existence d’une disposition en faveur du débiteur salarié qui était d’ores et déjà insérée dans les dispositions régissant les voies d’exécution applicables depuis le 1er janvier 1993.