Expulsion commerciale- Délai de grâce

ompétence du juge de l’exécution-

Le droit de grâce est aussi une prérogative prétorienne , parole de commerçant

Gabriel DAHAN-DEA en Droit- Huissier de justice Près le TGI de NANTES

La distinction entre l’interdiction faite au juge de l’exécution de modifier ou de suspendre l’exécution d’une décision de justice contenue dans l’article 8 du décret n°92-755 du 31 juillet 1992 ,et la possibilité offerte par ce même texte à ce magistrat d’accorder au débiteur un délai de grâce , contient des subtilités dont les justiciables ne cernent pas toutes les conséquences.

Ce délai de grâce ne constitue dans l’esprit du texte aucune immixtion dans la décision de justice d’autrui , à l’inverse du droit de grâce en matière pénale , mais le créancier voit son exécution différée de la période accordée par le juge de l’exécution.

La très sensible et politique matière traitant de l’expulsion est fort souvent l’occasion de se pencher sur les débats que suscite ce thème . Outre le caractère vital que revêt pour le locataire la pérennité de son toit , le contrat de location contient des obligations réciproques pour les parties , dont celle imposée par le preneur de payer son dû , qui ne manqueront pas d’être mises en exergue avec le troisième homme que le “droit au logement opposable” mettra à contribution en la personne des autorités publiques .

Une fois le contrat de bail judiciairement résilié et l’expulsion ordonnée , les recours expirés et le commandement de quitter les lieux ,véritable couperet procédural , signifié en respect des dispositions de l’article 198 du décret précité, le locataire défaillant dispose néanmoins du droit de solliciter du juge de l’exécution un délai qui peut aller de trois à trente six mois (art. L 613-1 et L 613.-2 du Code de la construction et de l’habitation) alors que le délai de grâce de droit commun tiré des articles 1244 et suivants du Code civil ne peut excéder vingt quatre mois.

Cette notion voit son inspiration dans l’humanisation dont le législateur a entendu teinter les procédures civiles d’exécution : le locataire évincé d’un bien à usage d’habitation ou professionnel se devant de mettre ce délai à profit pour se reloger normalement .

La notion de relogement qui concernait déjà le professionnel évincé intéresse désormais le commerçant à l’encontre duquel une procédure d’expulsion a été prononcée .

Alors qu’aux termes d’un arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 8e ch. B, 26 nov. 1998, Gaz. Pal. 5-7 mars 2000. 27, obs. Moussa) il ressort que le juge de l’exécution, au vu des textes, n’avait pas le pouvoir d’accorder un délai de grâce sur le fondement de l’article L. 613-1 CCH . A contrario , le tribunal de grande instance de Paris, interprétant de manière extensive la notion de local professionnel , y incluait les locaux commerciaux, et leur appliquait les dispositions de l’article L. 613-1 CCH favorables au débiteur (TGI Paris, Jex, 9 nov. 1998 et 13 juill. 1999, Gaz. Pal. 5-7 mars 2000, chron. préc.).

Dans son arrêt du 4 juillet 2007 (n° 1185 FS-PB), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient de trancher en faveur du commerçant condamné en ces termes : “Mais attendu que le juge de l’exécution tient des articles L. 613-1 et L. 613-2 du code de la construction et de l’habitation et de l’article 8 du décret du 31 juillet 1992 le pouvoir d’accorder un délai de grâce à l’occupant d’un local à usage commercial .”

Elle a en effet rejeté l’argumentation du pourvoi selon lequel ” le juge de l’exécution n’a pas le pouvoir de surseoir à l’expulsion d’un locataire commerçant ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui a pourtant prononcé le sursis à l’expulsion des locataires gérants d’un fonds de commerce appartenant à la société P., a violé les articles L. 613-1 et L. 613-2 du code de la construction et de l’habitation, ensemble les articles 1244-1 du code civil et 8 du décret du 31 juillet 1992 “.

La messe est désormais dite : la matière l’emporte la destination du bien loué . Le commerçant dispose donc expressément du délai de grâce tiré des textes du Code de la construction et de l’habitation , tout comme le locataire d’un local à usage d’habitation et le professionnel.

A qui ce droit sera t il opposable ? Dans l’immédiat au seul bailleur qui devra patienter face au droit qui est désormais reconnu implicitement au preneur à une réinstallation normale . Il nous apparaît en effet délicat de parler de relogement.