Injonction de payer

Injonction de payer – Dépôt requête – Mandat de représentation

A défaut d’introduction d’instance,le mandataire du créancier, même s’il n’est pas avocat, peut librement déposer pour le compte de son client une requête en injonction de payer sans que la preuve d’un mandat de représentation en justice ne lui soit exigée.

A l’heure de la simplification des procédures judiciaires et de la vulgarisation du droit en rapport avec les “petits litiges”, l’injonction de payer vient à point nommé se révéler être une arme de premier choix en faveur du créancier signataire d’un contrat et se prévalant à l’égard de son débiteur d’une créance à recouvrer sans que le dossier ne soit porteur d’une difficulté juridique ou que sa résolution ne nécessite un débat contradictoire. Le contrat base des rapports contractuels n’est-il pas la loi des parties?

En instaurant la procédure d’injonction de payer par un décret du 12 Mai 1981, dite procédure complétée par un décret du 04 Mars 1988 par la procédure d’injonction de faire, le Nouveau Code de Procédure Civile s’est enrichi de textes permettant d’apporter une solution simple à bon nombre de litiges, tout leur donnant une issue judiciaire fiable basée sur la volonté des parties qui s’est matérialisée en la forme d’ un support littéral laissé à l’appréciation du magistrat signataire de l’ordonnance qui fixe ainsi les droits des parties de manière pourtant unilatérale, sans pour autant priver le débiteur de ses droits élémentaires en défense.

L’ordonnance n’est en effet exécutoire qu’un mois après sa signification au débiteur rencontré à personne, ce délai étant en l’absence de signification à personne reporté, pour être recevable jusqu’à expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne (il peut s’agir du commandement de payer revêtu de la formule exécutoire) ou ainsi que le précise le texte “…suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou partie les biens du débiteur”. Il peut s’agir d’une mesure de saisie-vente, de saisie-attribution, ou encore, d’une mesure conservatoire ayant pu être entamée sur le fondement des articles 67 et suivants de la loi du 09 Juillet 1991 sur la base de l’ordonnance non encore exécutoire.

Le point d’orgue de la procédure d’injonction de payer – ou de faire – porte essentiellement sur l’ ” effet proximité “; tant à l’égard du débiteur qui se voit condamner par un juge relevant de la compétence judiciaire de son domicile, que par rapport au mode de signification de la décision rendue lui est faite par un huissier de justice territorialement compétent sur ce même ressort territorial.

Aussi plaidable que puisse être la volonté de bon nombre de confrères d’espérer ,à l’image des notaires , s’affranchir au plus tôt de l’obsolète limitation territoriale, ce qui les autoriserait enfin à exercer , au grand bonheur de bon nombre de donneurs d’ordres ,leurs talents dans un grand nombre de matières ,notamment relevant des honoraires libres (constats, procédures de contrefaçon, dépôt et rédactions de règlements de jeux et concours…), la volonté du législateur doit tout autant l’être pour d’autres matières beaucoup plus ” traditionnelles ” de nos activités (significations pures) qui sacralise le mission de l’huissier dit de proximité . Celui là qui sera le plus à même de déployer toutes diligences pour constituer un dossier à l’encontre d’un redevable qu’il est sensé connaître notamment en zone rurale ou semi-urbaine, sa connaissance du terrain se révélant être dans un deuxième temps un allié de choix pour parvenir à la sacro-sainte signification à personne à l’occasion de laquelle le significateur rappellera verbalement au débiteur le délai d’un mois qui lui est ouvert pour faire opposition, interdisant alors tous recours à effet ” cliquet ” au gré des procédures subséquentes, le délai d’opposition d’un mois démarrant alors une bonne fois pour toutes au jour de la signification.

Quant au dépôt de la requête auprès du magistrat compétent, une distinction par réponse ministérielle ,et par articles de doctrine interposés a fini par se forger sans pour autant apporter une précision d’horloger quant à l’autorisation ou la prohibition pour un huissier de justice territorialement incompétent de requérir du juge d’instance ou du commerce une ordonnance portant injonction de payer à l’encontre d’un débiteur “lointain”. C’est la notion on ne peut plus vague d’habitude et d’exception qui prévaut.

Il est de notoriété publique que l’avocat a pour mission habituelle de représenter ses clients devant les juridictions, alors que l’huissier de justice, bien qu’il y soit pleinement autorisé, ne plaide qu’exceptionnellement devant les juridictions face auxquelles il peut se présenter pour le compte de ses clients à savoir les tribunaux paritaires des baux ruraux et les tribunaux de commerce. En revanche, la barre des tribunaux d’instance statuant en matière de saisie des rémunérations ,est d’avantage fréquentée par les huissiers.

Dans un tout autre volet, tout en relevant du statut commercial pur, les officines de recouvrement aux pouvoirs pourtant juridiquement et légalement limitées se sont néanmoins taillées une part de choix par des méthodes redoutablement efficaces, déployant des techniques leur permettant de se placer, au mépris de toutes les dispositions traitant du respect de la vie privée pourtant riche de jurisprudences protectrices et d’écrits sur la base de l’article 9 du Code Civil, sur le vecteur ou plutôt sur le marché du renseignement ,ne faisant cure des requêtes que les officiers ministériels que nous sommes se doivent de déposer auprès des parquets de la République pour requérir les renseignements élémentaires relatifs à une nouvelle adresse, un compte bancaire ou un employeur ;et ce au grand bonheur de leurs clients heureux privilégiés , quand ces officines ne sont pas une émanation directe des clients créanciers, sociétés de crédit ou organismes bancaires, ces sociétés commerciales ayant avec leurs clients des intérêts juridiques et des imbrications en la forme de prises de participations ou d’investissements croisés.

C’est dans la phase du recouvrement amiable que ces officines de recouvrement ont excellé, alors que huissiers de justice et avocats, soumis à une déontologie qui n’a rien de commun avec les impératifs commerciaux des créanciers, ne pouvaient se cantonner à des méthodes dignes des plus belles heures du “far- west” (” phoning “en dehors des heures légales, interventions sur les lieux de travail, déplacements d’un ou plusieurs agents dont l’union inspire irrémédiablement la force), ce qui a irrémédiablement entraîné une baisse dans l’efficacité du recouvrement dit amiable ou du moins pré-judiciaire, entamé par des professions réglementées.

Le chapitre qui intéresse nos propos concerne la représentation du créancier en justice, nid dans lequel n’ont pas manqué de se glisser les mandataires des créanciers agents de recouvrement qui ,antérieurement à la prohibition qui était faite aux huissiers de justice de représenter leurs clients devant le tribunal de commerce, ne se privaient pas de plaider au nom de leur mandant, se devant néanmoins de présenter un pouvoir à la barre. La notion de pouvoir était à notre sens essentiellement basée par des impératifs de reconnaissance. Autant l’avocat et l’huissier de justice sont connus auprès du tribunal devant lequel ils ont prêté serment, autant l’agent de recouvrement n’est pas forcément connu ,une même société pouvant d’ailleurs déléguer à la barre plusieurs mandataires salariés . C’est la raison pour laquelle l’avocat est dispensé du pouvoir devant les juridictions, l’huissier de justice plaidant au tribunal de commerce de son ressort judiciaire devrait tout normalement en être dispensé, alors que face aux tribunaux paritaire des baux ruraux ou devant le tribunal d ‘ instance en audience des saisies des rémunérations, il en est systématiquement dispensé. N’est-il pas porteur des pièces, cela valant à notre sens mandat d’assurer la défense des intérêts de son client en entamant toute procédure appropriée , tout comme en matière de voies d’exécutions, sachant que l’huissier de justice conformément à l’article 19 de la loi du 9 Juillet 1991 est chargé de la conduite des opérations d’exécution ,et ce, sous sa responsabilité.

L’on voit difficilement la raison pour laquelle une distinction serait opérée entre une représentation des parties par un huissier de justice pour une exécution pure, d’une part, et d’autre part un mandat qui nous serait confié pour mettre en œuvre une procédure de recouvrement, fusse-t-elle dans un premier temps extra-judiciaire, phase qui dans la très grande majorité des dossiers que nous traitons dans nos études est couronnée de succès et dispense alors de devoir soumettre sa créance à la justice.

Le dépôt d’une requête en injonction de payer découle à notre sens directement du mandat qui nous est donné par le créancier, mandat spécial ou général en fonction des desiderata du demandeur ou généralement de l’usage gouvernant les relations de travail qui règnent habituellement entre le créancier et son mandataire sachant que le dépôt d’une requête unilatérale doit être distinguée de la représentation stricto sensu en justice.

Nous en voulons pour simple preuve l’habilitation de l’huissier de justice pour déposer au nom de l’un de ses clients une telle requête, alors que prohibition lui est faite de représenter ce même client devant le tribunal d’instance en cas d’opposition du débiteur, tant hors ou à l’intérieur de sa compétence territoriale. La question n’apparaît donc plus être interne à l’organisation même de la profession d’huissier de justice en liaison avec le ressort de compétence territoriale, mais a trait à la nature de l’activité, dépôt d’une requête ou représentation en justice, en liaison avec la profession exercée. D’aucun parleront de monopole, nous qualifierons plutôt cette subtilité de zone de compétence partagée.

Dans un arrêt du 27 Juin 2002, la 2éme chambre civile de la Cour de cassation était saisie d’un litige à l’occasion duquel le débiteur entendait se soustraire à ses obligations arguant que la société de crédit créancière avait confié son recouvrement à une société de contentieux, le débiteur invoquant l’absence en faveur de l’officine du recouvrement de la preuve d’un mandat de représentation en justice.

La Cour de Cassation s’est prononcée très clairement dans le sens de la distinction entre le dépôt d’une requête et la représentation en justice invoquant que “le dépôt d’une requête en injonction de payer n’exige pas, à défaut d’introduction de l’instance, la preuve d’un mandat de représentation en justice.” Opinion on ne peut plus claire que celle qui opère une distinction entre le mandat de représentation qui nous apparaît être exclusivement ouvert aux personnes expressément dénommées dans les textes ou dont la mission ou la profession les appelle à exercer habituellement la représentation de la personne devant les tribunaux, d’une part, et d’autre part l’usage qui s’est instauré au fil des procédures consistant à admettre que le mandataire d’un créancier, quand bien même ne fut-il pas membre d’une profession réglementée habilitée à représenter les parties à l’instance, se voit néanmoins autoriser à déposer pour le compte d’autrui une requête afin d’injonction de payer devant le tribunal d’instance.

Devant le tribunal de commerce, le schéma procédural s’avère être identique pour le dépôt de la requête en injonction de payer , le débat pouvant néanmoins surgir sur l’aspect représentation en justice du créancier par mandataire dans l’hypothèse d’une opposition du débiteur. La notion d’habitude reviendrait à l’ordre du jour quant à la possibilité ou la prohibition de représenter un créancier devant la juridiction commerciale, et serait alors soulevée la question du pouvoir dont tout mandataire, s’il n’est avocat, doit être porteur afin d’être autorisé à plaider pour la défense des intérêts de toute partie à la barre.

Gabriel DAHAN Doctorant en droit

Article paru dans l’édition de septembre 2002 de la revue “ANNALES DES LOYERS ET DE LA PROPRIETE COMMERCIALE, RURALE ET IMMOBILIERE”