Recouvrement de la créance d'une commune

CREANCE D ‘UNE COMMUNE- RECOUVREMENT- TITRE EXECTOIRE- Le choix des armes dévolu par l’article 22 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 à tout créancier désireux de mettre à exécution un titre au sens de l’article 3 de la loi précitée trouve son apanage lorsqu’il s’agit d’un créancier ” d’en haut ” aux pouvoirs exorbitants du droit commun.

Un large panel de mesures s’offre au poursuivant avec la nécessaire obligation de mesure pesant sur tout créancier quels que soient sa nature et son statut .

Trop de lois tuent le Droit , surtout lorsque les échevinages de procédures sont légion , tant au sein d’une même famille ( la procédure civile d’exécution) et d’avantage encore dans l’hypothèse de textes de natures différentes voire contradictoires.

La prérogative de puissance publique a été l’occasion de dévoiler l’un de ces paradoxes qui transforment le Droit pour le justiciable ” d’en bas ” en véritable labyrinthe , en matière de recouvrement par une commune de ses créances , et ce thème a donné lieu à une question adressée par un parlementaire au ministre de l’Intérieur , que nous publions in extenso ci après :

” Question publiée au JO du 17 mai 2005, page 4939 Réponse publiée au JO du 4 octobre 2005, page 9249 Texte de la QUESTION : M. Jean-Luc Warsmann attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le fait de savoir si une commune qui dispose d’une créance à caractère privé à l’encontre d’un débiteur doit émettre un titre exécutoire de recettes par la voie administrative, ou si elle doit saisir le juge judiciaire comme le ferait une personne privée. Il le remercie de toutes les précisions qu’il pourra lui apporter en cette matière.

Texte de la REPONSE : Les créances qui naissent au profit d’une collectivité locale, d’un établissement public, ou d’un établissement public de coopération intercommunale, sont constatées par un titre qui matérialise ses droits. Ce document peut revêtir plusieurs formes. Il peut s’agir, selon le cas, d’un jugement exécutoire, d’un contrat ou la plupart du temps d’un acte pris, émis, et rendu exécutoire par l’ordonnateur de la collectivité et qui prend la forme de titres de recettes, d’arrêtés, d’états de recouvrement ou de rôles. Le décret n° 66-624 du 19 août 1966 (modifié par le décret n° 81-362 du 13 avril 1981) relatif au recouvrement des produits des collectivités locales et des établissements publics locaux a conféré un privilège exorbitant du droit commun aux personnes publiques pour le recouvrement de leurs créances.

Ainsi, les titres des collectivités publiques sont exécutoires de plein droit et par ailleurs ces titres sont recouvrés ” comme en matière de contributions directes “. Ce décret est désormais codifié aux articles R. 2342-4 et R. 3342-23 du code général des collectivités territoriales. Le caractère exécutoire de plein droit des titres émis par les collectivités et établissements publics locaux a été consacré par l’article 98 de la loi de finances pour 1992 (n° 92-1476 du 31 décembre 1992) codifié à l’article L. 252 A du livre des procédures fiscales.

Les collectivités publiques sont ainsi dispensées de l’obligation incombant en principe à tout créancier de faire valider la créance par le juge compétent avant de procéder à toute mesure d’exécution forcée. Cela emporte comme autre conséquence qu’elles ne peuvent en principe pas saisir le juge pour faire condamner une autre partie à leur verser une somme dès lors qu’elles ont elles-mêmes le pouvoir d’ordonner cette mesure. Cette analyse constante du Conseil d’État à propos des créances de nature administrative n’a pas été retenue par la Cour de cassation pour les créances privées (contrat, litiges avec usagers d’un service public industriel et commercial).

La cour a, en effet, donné dans une décision du 8 juin 2004 une interprétation différente à propos du recouvrement de créances privées. Elle a en effet considéré que la commune pouvait saisir le tribunal d’instance pour obtenir le paiement de ses créances, en l’occurrence, les redevances d’enlèvement des ordures ménagères “

Il nous est dès lors apparu intéressant de se référer à la lecture de cet arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation (N° de pourvoi 02-13313) publié au bulletin . En l’espèce la commune de Brageac a fait assigner une personne privée devant le tribunal d’instance de Mauriac aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 2 450 francs au titre de la redevance pour enlèvement des ordures ménagères pour les années 1993 à 1999 ; Le redevable attrait fait alors grief à l’arrêt d’avoir déclaré recevable la demande alors, selon le moyen, qu’une collectivité publique territoriale dotée d’un comptable public bénéficie du privilège de l’exécutoire en application du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, et de l’article R. 241-4 du Code des communes, dans sa rédaction résultant du décret n° 66-624 du 19 août 1966 modifié par le décret n° 81-362 du 13 avril 1981, en sorte que bénéficiant d’un tel privilège, la commune se doit d’y avoir recours sans pouvoir saisir directement le tribunal d’instance ;

Et la Cour de se prononcer en ces termes on ne peut plus limpides :

” Mais attendu que le tribunal a jugé à bon droit que la commune n’avait aucune obligation de recourir au procédé de l’état exécutoire pour le recouvrement de ses créances ordinaires “

sans toutefois proscrire une telle mesure .

et rejetant l’argumentation du pourvoi sur ce moyen.

Et l’arrêt de reprendre : Sur le second moyen : Attendu que le demandeur au pourvoi reproche encore au jugement de l’avoir condamné à payer à la commune la redevance réclamée, alors, selon le moyen, qu’à partir du moment où une collectivité territoriale prend l’initiative de saisir le tribunal d’instance pour obtenir le paiement de taxes d’enlèvement d’ordures ménagères, en cas de contestation, c’est à la commune qui ne peut se créer un titre à elle-même de rapporter la preuve que sont remplies les conditions nécessaires pour que puisse être due une telle taxe, qu’en décidant le contraire, le juge d’instance a violé l’article 1315 du Code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut se créer un titre à lui-même ;

Et la juridiction suprême de décider avant de rejeter le pourvoi que :

” Mais attendu que le tribunal d’instance a exactement jugé, sans inverser la charge de la preuve, qu’il incombait à M. X…, qui ne contestait pas le montant des taxes réclamées, d’établir qu’il n’en était pas redevable, soit parce qu’il éliminerait lui-même ses ordures, soit parce que sa maison serait inhabitable ; que le moyen n’est pas mieux fondé ; ” EXTRAITS DE LA ” Publication :Bulletin 2004 I N° 160 p. 134 Décision attaquée :Tribunal d’instance de Mauriac, 2000-11-21 Titrages et résumés : 1°COMMUNE – Créance d’une commune – Recouvrement – Emission d’un titre exécutoire – Obligation (non). Une commune n’a aucune obligation de recourir au procédé de l’état exécutoire pour le recouvrement de ses créances ordinaires. 2°COMMUNE – Services communaux – Ordures ménagères – Redevance d’enlèvement des ordures ménagères – Redevable – Personne n’utilisant pas le service – Preuve – Charge. Il incombe à l’administré d’établir qu’il n’est pas redevable de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, soit parce qu’il élimine lui-même ses ordures, soit parce que sa maison est inhabitable. Précédents jurisprudentiels : Sur le n° 2 : Dans le même sens que : Chambre commerciale, 2002-02-26, Bulletin, IV, n° 45 (2), p. 45 (cassation partielle). “

Il est donc à parier qu’à l’avenir , la commune ne s’y laissera plus prendre , préférant à défaut d’obligation d’avoir à saisir la juridiction civile , faire consacrer sa créance par un titre de recette rendu exécutoire par ” son ” ordonnateur , et en poursuivre l’exécution par toute voie appropriée et par tout agent de son choix au sens de l’article 81 de la loi de 1991 précitée agissant en pareille matière comme en matière de recouvrement des contributions directes.