Rupture de bail

La restitution des clés essentielle à la rupture du bail

Le fait pour un preneur de donner congé , de satisfaire aux prescriptions d’un congé délivré par son bailleur ou de quitter les lieux ne suffit pas en soit à constituer la rupture du bail et que tout lien de droit entre les co-contractants a effectivement cessé ; et ce ,que l’immeuble fasse l’objet d’une location à caractère agricole , commercial , d’habitation , mixte ou de toute autre nature.

L’indéniable avantage que détient le preneur par rapport au bailleur est la maîtrise qu’il a sur la disposition des lieux , même en fraude des droits du propriétaire au mépris des clauses contractuelles les unissant . Il peut en effet quitter les lieux s’abstenant de régler ses loyers tout en se logeant ailleurs ,soit à titre professionnel soit d’habitation , sans pour autant que les clés ne fassent l’objet d’une restitution.

Cette situation exclusivement provoquée par le débiteur contraint alors le bailleur à lui faire signifier dans un premier temps par acte d’huissier de justice une sommation de payer les loyers échus –le commandement se voyant exclusivement réservé à l’hypothèse d’un bail passé en la forme authentique-visant une éventuelle clause résolutoire préalable sans lequel aucune date d’assignation ne peut être envisagée passé le “délai de carence” que le législateur a entendu accorder au locataire indélicat au bénéfice de la reconnaissance due à l’égard de celui qui doit pouvoir faire face à une difficulté de trésorerie ,sans qu’il ne soit inéluctable de devoir le priver de son logement ou de sa propriété commerciale. Ce délai est de deux mois en matière d’habitation ( article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989) et d’un mois en présence d’un bail commercial ( article L.145-41 du Code de commerce).

Il est en effet interdit au bailleur de se prévaloir directement de l’abandon matériel des lieux loués quand bien même fut-il constaté ,pour reprendre directement possession de son bien en se passant de l’office du juge dont seule une décision obtenue le cas échéant en référé met fin au contrat de bail ou à défaut d’écrit au lien de droit existant entre des parties à un bail verbal.

La restitution des clés retrouve alors son intérêt dans une démarche de rupture du lien contractuel. La matière du droit de repentir du bailleur commercial a été l’occasion pour la troisième chambre civile de la Cour de cassation de rappeler, dans un arrêt du 27 novembre 2002 ( D.2003,AJ, p.557 , note Y.Rouquet) ,que la libération effective et totale des lieux loués par le preneur n’était pas matériellement acquise par le fait que ce dernier avait entrepris toutes les démarches nécessaires à démontrer son intention de quitter les lieux en la forme de la résiliation des ses contrats de fourniture d’énergie et d’entretien liés à son activité commerciale.

En effet , dans cette espèce, malgré l’avancée des opérations de déménagements qui constituaient le caractère irrévocable du déménagement et la nature des travaux entrepris dans un autre local commercial par celui qui revendiquait la qualité d'”ex-preneur” , les opérations de déménagement n’ayant pas été entièrement achevées au jour où le locataire prétendait avoir quitté les lieux et les clés n’ayant pas été restituées , les magistrats de la Cour suprême ont estimé que la libération des lieux ne pouvait être invoquée au bénéfice du locataire.

Cette solution peut apparaître sévère mais elle résume la nécessaire discipline dont tout preneur doit faire preuve en matière de restitution des clés, sachant qu’a contrario , leur conservation constitue un gage de poids quant à la protection de ses prérogatives sur les lieux loués.

En conséquence , le bail ne saurait être considéré comme rompu qu’à partir du moment où le propriétaire se trouve ne mesure d’exercer sur son bien l’usus , le fructus et l’abusus , caractérisant la plénitude de son droit de propriété. Seule la libération des lieux et la remise des clés symbolisent la fin du lien contractuel (Cass.3 è civ., 13 oct.1999, D.1999, AJ ,p.87 ,obs.Y.R.). Toutefois, la présence dans les lieux de quelques meubles laissés par l’ancien locataire qui avait néanmoins enlevé ses marchandises et pris soin de restituer les clés au bailleur ne suffit pas à entraîner la persistance du bail (Cass.3 è civ.,2 févr.2000, AJDI 2000.p.612,obs.J-P.Blatter).