Saisie Attribution Interpellation

PROCEDURES CIVILES D’EXECUTION- SAISIE-ATTRIBUTION- ACTE DEVANT CONTENIR UNE INTERPELLATION DU TIERS-SAISI- MANQUE DE SOINS APPORTE A LA REDACTION DE CET ACTE- NEGLIGENCE- NULLITE- INTERPELLATION VALABLE (NON)- MOTIF LEGITIME EXONERANT LE TIERS –SAISI (OUI).

Un tiers- saisi auquel est signifié un acte de saisie- attribution comportant une interpellation manifestement bâclée peut se prévaloir d’un motif légitime à son absence de réponse invoquant un manque de soins frappant l’acte d’exécution pour invoquer un moyen légitime justifiant son absence de concours loyal ; il peut dès lors se retrancher derrière tout moyen d’inefficacité de la saisie privant le créancier saisissant de son exécution forcée. Pousser le tiers saisi dans ses retranchements sur fond d’obligation de concours actif dans le cadre d’une saisie-attribution, revêt pour le créancier un intérêt majeur à la condition expresse que la procédure initiée soit saine, les actes diligentés valides, le cheminement procédural parfait notamment quant à l’acte d’interpellation dont la rédaction par l’huissier de justice en personne ( CA Caen,18 juin 2002, ch1, section civ., Jurisdata n°215913, quant au strict respect de l’article 6 de la loi du 27 décembre 1923 dont la sanction est l’irrégularité de fond), conditionne tant la suite de la mesure d’exécution entamée, que le sort de contestations ultérieures tant à la requête du débiteur qui n’est pas le seul disposant de l’initiative d’une instance devant le juge de l’exécution, que du tiers saisi attrait à la barre par le créancier entendant rechercher sa responsabilité pour manquement à son devoir de fourniture de renseignements ou face à un refus de paiement.

Le principe en matière de contestation de saisie attribution de la part du tiers saisi est que nul ne plaide par procureur. La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt objet de notre commentaire du 26 septembre 2002 rappelle ainsi qu’il est ressort désormais d’un courant de jurisprudence constant que “le tiers saisi n’a pas qualité pour soulever aux lieu et place du débiteur saisi qui ne l’a pas fait dans le délai ouvert par la loi, la nullité de la saisie”, mais bien qu’interdiction lui soit faite de prendre fait et cause pour le débiteur saisi avançant des arguments propres à la défense de ce dernier, les intérêts à agir entre débiteur et tiers saisi étant à notre sens distincts, le tiers saisi n’est néanmoins pas privé de tout recours et ce à titre défensif. En effet à travers une série d’arrêts du 5 juillet 2000 (R.Perrot et Ph.Théry ;D.2001.714) la deuxième chambre civile de la Cour suprême a rappelé que la volonté du législateur n’avait jamais été de convertir l’insolvabilité du débiteur en mise en cause systématique d’un tiers saisi que d’aucuns avaient une fâcheuse tendance à confondre avec “une vache à lait”, la notion de motif légitime au sens de l’article 60 du décret du 31 juillet 1992 permettant au tiers saisi d’assurer sa défense face aux mises en causes injustifiées .En notre espèce, la Cour d’appel n’a pas manqué de le rappeler. Elle précise en effet qu’en cas de poursuites diligentées à son encontre sur le fondement de ce texte ,il appartient au tiers saisi d’invoquer tous arguments dans la défense de ses intérêts tant en fait qu’en droit, démontrant qu’un motif légitime pouvait être invoqué pour s’affranchir de sa mise en cause pour absence de fourniture de renseignements en vertu de l’obligation de concours actif et loyal que lui impose l’article 24 de la loi du 9 juillet 1991.

En effet, quand bien même l’initiative de la contestation de la saisie attribution appartiendrait strictement au débiteur, le tiers saisi avait réussi à démontrer l’existence d’un moyen légitime à ne pas répondre, tout en invoquant “tous moyens d’inefficacité de la saisie privant le créancier saisissant du bénéfice de son exécution forcée”. Cette espèce a ceci de particulier que le procès-verbal de saisie attribution est décortiqué par les magistrats d’appel afin de déduire de sa rédaction contenant “une interpellation manifestement bâclée” les circonstances exactes invoquées par le tiers saisi qui a finalement réussi à faire valoir le motif légitime justifiant l’absence de fourniture des renseignements requis. En l’espèce , un débiteur en redressement judiciaire est poursuivi par un créancier mettant en œuvre une saisie attribution entre les mains d’une société civile immobilière, le procès-verbal contenant interpellation ayant été signifié sur le terrain à la S.C.I. au représentant légal qui n’est autre que le débiteur originaire. Certes cette confusion des genres et des personnes n’est pas étrangère au cheminement de la procédure, mais il est en pratique extrêmement fréquent en matière de société de personne ou de société à capitaux à taille réduite, que l’huissier de justice en personne interpellant sur le terrain se trouve confronté à cette identité de personne physique entre débiteur et représentant légal du tiers saisi.

Le juge de l’exécution déboute le créancier saisissant à l’encontre du débiteur et rejette sa demande de condamnation du tiers saisi. Il interjette appel invoquant l’absence de réponse correcte du tiers saisi à l’interpellation du rédacteur de l’acte de saisie attribution arguant du niveau universitaire de la personne rencontrée parfaitement capable de cerner les termes d’un acte d’interpellation considérant que la réponse requise aurait pu être récoltée sans difficulté eu égard l’entière détention des parts de la S.C.I. entre les mains du débiteur, mais qu’à travers l’interpellation de la S.C.I., il aurait dû en indiquer le montant à l’huissier saisissant. Le créancier conteste également les motifs tirés de l’irrégularité de l’acte de dénoncé qui semblait avoir été en outre prononcée, réclamant la validité de l’ensemble de la procédure diligentée. Le tiers saisi mis en cause souligne que l’acte de saisie attribution encourt une série d’irrégularités de forme en raison de l’absence d’indication du nom du représentant légale de la S.C.I., et conteste également la régularité de la signification du certificat de non contestation invoquant en outre un acte d’interpellation “particulièrement brouillon” précisant que l’identité de l’huissier instrumentaire n’est pas visible et que le significateur n’a pas procédé à la vérification de l’identité de la personne interpellée s’étant intéressé à la propriété des parts de la S.C.I. sans interpeller la personne rencontrée sur les sommes dues et argument curieusement tiré de la confusion des personnes, le tiers saisi précise que l’acte comportait la réponse personnelle du débiteur et non de la S.C.I. …rappelant en outre que le débiteur saisi est en redressement judiciaire et que la procédure collective s’étend à l’ensemble de son patrimoine.

On se serait attendu à plus de sévérité de la part des magistrats soumis à ce particulier contexte de mélange des genres sur la reconnaissance de la responsabilité de ce tiers saisi à deux têtes, si la piètre rédaction de l’acte de saisie attribution n’était venu noircir les intérêts du créancier visiblement mal à l’aise face à l’acte d’interpellation dont il envisageait de se prévaloir pour voir le tiers saisi sanctionné pour avoir manqué à son obligation de renseignements. La Cour d’appel s’est en effet enquis de décortiquer l’acte de saisie attribution adonnant à la genèse procédurale de la procédure, sur fond de critiques on ne peut difficilement plus détaillées. L’acte est en effet reconnu comme laissant apparaître “un manque d’un soin évident qui le rend difficilement lisible et compréhensible pour une personne non habituée à connaître ce genre d’acte”, avec ceci de particulier que la confusion ne régnait pas seulement au sein de la personne interpellée entre tiers saisi et débiteur, mais que l’acte d’interpellation était constitué d’imprimés totalement étrangers à la procédure de saisie attribution avec au verso “des actes de signification non renseignés” avec notamment des noms de témoins.

Les mentions essentielles de l’acte à savoir titre exécutoire et conditions de la contestation apparaissent balayées d’un trait ,les causes de la saisie sont insérées au milieu des textes législatifs et réglementaires, la Cour ajoutant la notion de “logique de l’acte” précisant que les mentions essentielles ne doivent pas être noyées au sein d’un amalgame de rappels textuels, poursuivant pour clôturer son analyse la carence de l’identité et la qualité de la personne notée sur le procès-verbal de signification à la personne morale et ce malgré la mention d’une signification faite à personne, on ne décèle nulle trace de l’identité et de la qualité de la personne habilitée récipiendaire, et qu’en conséquence il est impossible de savoir “qui l’huissier a interpellé, et de qui la réponse émane”. Une telle démonstration relève d’avantage à notre sens du commentaire émanant d’un chargé de travaux dirigés de premier cycle universitaire confronté à la correction d’une piètre copie ,que d’une analyse in concreto d’une procédure qui souffre à l’évidence de plusieurs chefs de nullité tant les manquements apparaissent flagrants à la fois sur la matière générale de la signification et sur la matière spécifique de la saisie attribution: la loi du terrain pas plus que celle de la procédure n’a été observée.

Le débiteur intervenant à l’instance es-qualité de personne physique reconnaît avoir été interpellé précisant qu’il est en redressement judiciaire invoquant que le créancier n’a pas produit le jugement d’ouverture de la procédure collective invoquant son incapacité de savoir s’il pouvait effectivement être interpellé valablement pour le compte de la S.C.I. d’une part, et d’autre part il conteste la régularité de l’interpellation d’autant plus qu’il reproche à l’huissier de n’avoir pas saisi l’occasion de l’identité de personne entre débiteur et tiers saisi pour peaufiner son interpellation sachant en outre que débiteur et tiers saisi ont le même domicile. Après avoir dans un premier temps rappelé le cheminement procédural tel qu’il l’a été, les magistrats d’appel reprennent point par point les principes qui président au déroulement logique de la procédure tel qu’elle aurait dû être menée. Ils rappellent que l’huissier aurait dû dans l’intérêt de son mandant procéder à une interpellation précise et détaillée quant au montant des sommes dues par la S.C.I. à son associé au jour de la saisie et que quand bien même la réponse aurait être spontanée et complète, il n’en demeure pas moins que face à un tiers saisi néophyte, “il appartient à l’huissier, responsable de l’interpellation et qui doit l’assurer avec le plus grand soin, de demander les précisions nécessaires lorsque le tiers saisi, quoique coopérant ne les donne pas immédiatement; que l’interpellation ne saurait avoir pour objet de piéger le tiers saisi afin de ménager un recours ultérieur contre lui”.

Inutile d’en jeter d’avantage, la cour semble pleine. Les arguments de nature à invoquer le motif légitime au sens de l’article 60 précité apparaissant plus que suffisant, la Cour d’appel conclu néanmoins en beauté invoquant les conditions “interpellation manifestement bâclée” pour exonérer la S.C.I. de n’avoir pas fourni les renseignements prévues de manière spontanés quant au montant des sommes exactes que la S.C.I. devait au débiteur principal, qu’en ce sens aucune preuve n’est rapportée à la lecture des actes produits que l’huissier ait posé précisément la question à la personne interpellée. Le créancier, du fait de son mandant, succombe à la procédure. Sans s’attarder sur les conséquences procédurales ultérieures basées sur la combinaison des articles 18 et 19 de la loi du 9 juillet 1991 quant au monopole des huissiers de justice pour conduire l’exécution qui leur est confiée et la responsabilité qui en découle, nul doute que le comportement fautif du rédacteur de l’acte de saisie attribution- sous réserve d’une procédure ultérieure en la forme d’une action en responsabilité sur fond de faute professionnelle- , a été déterminant dans la reconnaissance du motif légitime que la Cour d’appel a accordé au tiers saisi ayant pu valablement s’exonérer au regard d’une procédure viciée: le manque de soins apporté à la rédaction de l’acte de saisie attribution n’est certes pas étranger au renversement de la charge dans l’administration de la preuve. La négligence avait dressé le lit du motif exonératoire.