Saisie Vente et Trésor Public

Saisie-vente et Trésor Public : en avant , calme et droit. Par Gabriel DAHAN – DEA en Droit

La légitime humanisation qui a présidé à l’esprit des textes régissant les procédures civiles d’exécution qui fêtent en 2003 leur dix années d’application s’est notamment traduite par des aménagements apportés à la procédure de mise sous main de justice des biens meubles corporels ( mobilier , marchandises ,véhicules , …) dite saisie-vente régie par les articles 50 à 55 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 (dite la loi) et par les articles 81 à 98 du décret d’application n°92-755 du 31 juillet 1992 (dit le décret).

Les tempéraments apportés aux ardeurs des créanciers ne mettent pourtant pas ces derniers sur un pied d’égalité face au libre choix qui leur est dévolu par l’article 22 de la loi , de portée générale qui dispose en sa première phrase que « le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution et la conservation de sa créance ».

Autant il apparaît impossible au saisissant , quelque soit son statut , personne physique ou morale de droit privé ( particulier, bailleur , commerçant, société …) ou personne morale de droit public de s’affranchir des règles sur les insaisissabilités énoncées à l’article 14 de la loi qui définit les biens qui ne peuvent faire l’objet d’appréhension par les créanciers dans un but purement humanitaire , à savoir notamment sous certaines conditions attachées à la nature de la créance cause de la saisie les sommes à caractère alimentaire , « les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail » dans des limites tenant notamment au caractère raisonnable de leur prix et à la nature de la dette réclamée, les objets indispensables aux handicapés et aux soins des malades, etc…. ; autant certains créanciers apparaissent logés à bien meilleure enseigne que d’autres pour élargir leur champ d’action , la jurisprudence leur ayant récemment permis d’ échapper à la stricte règle de la subsidiarité édictée par l’article 51 de la loi , faisant bénéficier leur mission de service public d’ un régime dérogatoire au droit commun de l’exécution leur conférant une pleine liberté dans la conduite de leur recouvrement , faisant des personnes morales de droit public un créancier objet de toutes les envies de la part de leurs homologues soumis au droit commun.

En effet , aux termes de cet article 51, préalablement à la mise en œuvre d’une saisie-vente dans un local servant à l’habitation d’un débiteur pour recouvrer une créance inférieure à une somme aujourd’hui fixée à 535 euros , le créancier doit obtenir l’autorisation du juge de l’exécution donnée sur requête , à la condition toutefois de n’avoir pas pu obtenir le paiement de son du par saisie sur compte bancaire de dépôt ou en entamant une saisie des rémunérations du travail.

Cet article met néanmoins le débiteur à contribution lui évitant d’être « pris en traître », lui laissant l’occasion avant la saisie de communiquer les coordonnées de son employeur et de ses comptes bancaires « ou l’un de ces deux éléments seulement « , cette injonction de communiquer lui étant expressément faite dans le cadre du commandement de payer précédant la saisie-vente.

Le dernier alinéa de ce texte soucieux d’épuiser toutes les possibilités quant au récolement des informations dispose en outre que si le débiteur n’a pas apporté de réponse à l’injonction contenue dans le document support du commandement ( acte d’huissier de justice signifié- art 83 du décret, ou missive postale notifiée – art 296 du décret et L 259 du Livre des procédures fiscales) , le parquet de la République « peut être saisi « en vertu des articles 39 et 40 de la loi.

Doctrine et jurisprudence se sont accordée pour assurer la stricte application de la théorie de la subsidiarité découlant de cet article 51 , dégageant une interprétation stricte et uniforme s’inscrivant dans la lignée de la volonté du législateur de préserver les droits du débiteur (notamment Y.Desdevises , D. 1993 , Chron.160 : L’incidence du silence du débiteur sur la subsidiarité de certaines saisies-ventes) .Cela paraissait devoir s’imposer à l’ensemble des saisissants , compris à l’Etat pour le recouvrement de ses créances, avis de la Cour de cassation à la clé du 8 décembre 1995 et du 14 mai 2001 ( Ann. Loyers, 2002, p .117, obs. Dahan). .

Jusqu’à ce que la deuxième chambre civile de cette même juridiction lance un pavé dans la mare du recouvrement en faveur du Trésor Public dans un arrêt du 19 septembre 2002 ( n° 00-20587) aux termes duquel ce créancier pourra désormais se prévaloir d’un allègement des contraintes procédurales que lui imposait jusque là la subsidiarité , sans pour autant qu’elle ne soit remise en cause dans son principe , mais dans la mise en œuvre du mode opératoire préalable à toute saisie-vente pour recouvrer une créance de l’Etat inférieure à 535 euros en vertu d’un titre exécutoire rendu par le comptable public . En effet a été déclarée valide une saisie-vente réalisée au domicile du redevable d’une amende forfaitaire majorée alors que le créancier n’avait pas justifié une saisine du procureur de la République en vue de rechercher les informations conformément aux articles 39 et 40 de la loi. La Cour de cassation a apporté une argumentation matérielle et de pure forme tirée des dispositions de l’article 296-III-3 du décret , dérogatoire au droit commun et à l’article 83 auquel les créanciers ordinaires doivent se soumettre , précisant qu’il n’est pas exigé dans le cadre du recouvrement au bénéfice de l’Etat que le commandement de payer indique que le ministère public pourra être saisi en vue de la recherche des informations nécessaires , sachant que seule pèse sur le trésorier saisissant la preuve apportée que suite à des recherches internes , il s’est heurté à l’impossibilité de pratiquer une saisie sur un compte ou sur des rémunérations du travail .

Les créanciers dits ordinaires ne pourront jamais ,à leur grand regret , se prévaloir d’un tel aménagement « sur mesure » , restant soumis aux dispositions de l’article 83 qui réglemente à peine de nullité la forme et le contenu du commandement de payer, ne pouvant se prévaloir du silence du débiteur à l’injonction contenue dans l’acte pour s’autoriser à engager directement une saisie-vente . Comble de malchance pour le bénéficiaire ordinaire d’un titre exécutoire, et au nom de la protection de la vie privée du débiteur , ses « recherches internes « nous apparaissent des plus obérées. Il doit donc se résoudre à solliciter le secours du ministère public dans sa quête aux informations , et une fois en mesure d’apporter la preuve de l’impossibilité d’avoir pu obtenir les coordonnées des comptes bancaires ou de l’employeur , il devra solliciter du juge de l’exécution une ordonnance afin de pratiquer sa saisie-vente au domicile du débiteur.

Seul l’avenir révèlera à quelle théorie se rallieront les juridictions saisies d’une contestation portant sur l’application de la subsidiarité .La dualité restera à notre sens de mise .En droit commun , pas d’alternative , dura lex sed lex.

En matière de recouvrement étatique , nul doute que le supérieur hiérarchique du comptable signataire du titre organe obligatoirement saisi d’une contestation abondera dans le sens de ce dernier arrêt du 19 septembre 2002,trouvant dans cette interprétation formelle une véritable aubaine accélérant son recouvrement ,en ces temps où les équilibres budgétaires ne doivent se résumer à des vœux pieux. Quant aux magistrats de l’exécution , ultime recours aux velléités des créanciers , entre forme et fond la balance pèsera. Le tout sous le regard envieux du créancier d’en bas.