Titre exécutoire et solidarité

L’art. 2 de la loi n° 91-650 du 09 juillet 1991 ouvre à tout créancier porteur d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible la possibilité de poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution.

Ce même créancier dispose en outre conformément à l’art. 22 de la même loi, du libre choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance.

Nulle référence n’est pourtant faite, dans ces deux articles fixant le cadre général de l’exécution, à la cause de la dette. Elle doit cependant impérativement être matérialisée par l’un des titres exécutoires exclusivement énumérés à l’art. 3 de la loi.

Le titre exécutoire doit bien évidemment être rendu à l’encontre du débiteur concerné ,à l’exclusion de tout autre. Cette vérité de Lapalisse échappe cependant à certains modes d ‘exécution entrepris sur le principe de la solidarité ; à l’image de celle qui pèse pour exemple sur un même foyer fiscal dans le cadre du recouvrement des impôts notamment au titre des contributions directes. Le sacro-saint principe de la solidarité fiscale fera certainement des jaloux, notamment en l’espèce qui a donné lieu à une décision de la Deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation le 28 octobre 1999 (Bull n° 163), décision à l’origine de laquelle un créancier de sommes dues au titre de dettes du ménage n’a pu faire valoir le principe de la solidarité des deux époux dans la phase d’exécution, sur la base d’un titre exécutoire rendu contre un seul des époux. En effet, le créancier se fondait sur les termes de l’art. 220 du Code Civil aux termes duquel les époux sont solidairement tenus des dettes du ménage, à l’exclusion des dépenses manifestement excessives au regard du train de vie du ménage.

Le principe que le créancier aurait pu faire valoir à l’audience préalablement à l’obtention du titre exécutoire est une chose, l’exécution d’une décision de justice rendue à l’encontre de l’un des protagonistes en est une autre. Cette deuxième phase doit impérativement obéir à la règle de l’article 2 de la loi de 1991.

Le principe de la solidarité néanmoins acquis, il incombe à tout créancier quand bien même il disposerait de pouvoirs régaliens ” extra-ordinaires ” (et ce malgré des pratiques courantes expéditives) de veiller à solliciter dès les préliminaires de la procédure, l’obtention du titre à l’encontre de toutes les personnes rencontrées. L’administration fiscale ayant déjà été déboutée par un Tribunal d’Instance, à l’occasion d’une saisie des rémunérations de l’épouse, sur la base d’un titre de perception qui n’était rendu qu’à l’encontre de l’époux (Civ. 2è, 19 mai 1998, n° 161).Pourtant, dans cette dernière espèce, la limpidité de l’art. 1414 al. 1 du Code Civil ne devait laisser souffrir aucune exception autorisant tout créancier d’un époux, à procéder à la saisie des rémunérations de l’autre lorsque l’obligation cause de la créance est une dette liée à l’entretien du ménage.

En pareils cas, rien n’empêchant de requérir dés l’origine un titre contre les deux époux, on voit difficilement la raison pour laquelle une exception serait faite à la stricte application des règles régissant les voies d’exécution: le titre doit être exclusivement rendu à l’encontre du débiteur concerné, cela ne remettant nullement en cause les principes a évoquer à la barre quant à la demande en condamnation en vertu de tous les principes de la solidarité pouvant incomber à des co-obligés, encore faut-il qu’audience il y ait avec débat contradictoire à la clé.

Dans leur arrêt du 28 octobre 1999, les magistrats de la Cour Suprême rappellent que “Toute exécution forcée implique que le créancier soit muni d’un titre exécutoire à l’égard de la personne même qui doit exécuter”.

Loin de devoir considérer qu’une telle décision puisse aller dans le sens d’une quelconque immunité d’exécution à l’encontre d’un co-obligé, elle se contente de respecter le principe du contradictoire sans lequel notre droit et l’exécution se trouveraient vidés de l’essentiel de leur substance.

La redoutable rigueur des voies d’exécution doit impérativement être le corollaire de la nécessaire protection des droits du débiteur qui préalablement au prononcé à son encontre du titre exécutoire doit pouvoir assurer sa défense :dans un premier temps par une citation régulière , et dans un deuxième temps par une signification de la décision rendue par un acte ne souffrant d’aucune nullité ni du moindre grief (art 114 du Nouveau Code de Procédure Civile) , lui laissant ainsi tout loisir d’argumenter à l’audience , et d’introduire les recours qu’il estime utile le cas échéant.

Le choix des armes est certes laissé au créancier pour mener à bien son exécution, mais il ne doit pour autant pouvoir priver son interlocuteur d’un débat contradictoire préalable.