Le prix s’oublie, la qualité reste
Cette réplique tout droit sortie du film culte « Les Tontons Flingueurs » n’a jamais été autant au gout du jour à la lecture de cette jurisprudence de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 3e, 21 sept. 2022, FS-B, n° 21-17.691) qui nous rappelle dans son dispositif qui sonne comme un couperet : un congé adressé par LRAR qui n’a pas été reçue par le bailleur ( pour cause de pli non délivré malgré que le destinataire ait été avisé ) est inopérant .
En effet, la décision de la Cour de cassation est limpide et énonce que :
« Pour rejeter la demande en paiement du loyer du mois d’août 2015, l’arrêt constate que la locataire a donné congé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postée le 17 avril 2015 et revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé » et retient que ce congé a été régulièrement donné pour le 31 juillet 2015.
En statuant ainsi, tout en constatant que la lettre recommandée leur notifiant congé n’avait pas été reçue par les bailleresses, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. »
Avis à ceux qui seraient encore tentés par les économies de bouts de chandelles, pourtant désormais fort opportunes en cette période de restrictions énergétiques, et qui auraient encore l’imprudence de préférer l’incertaine missive recommandée au sécurisant acte de commissaire de Justice .
Acte dont la date fait partie intégrante des mentions authentiques et qui ne souffre d’aucune contestation quant à sa réalité, tout comme les mentions relatives à la signification, avec l’utile précision qui s’impose : que l’acte soit accepté ou non par son destinataire, il est parfait sauf à encourir les affres des nullités pour vices de fond ou de forme de droit commun.
C’est pourtant une porte largement ouverte à tous les abus et à la mauvaise foi dont les conséquences sont néanmoins à géométrie variable.
Un preneur en but à l’apathie du bailleur pourra librement réitérer son congé à tout moment moyennant un préavis de trois mois ou abrégé d’un mois pour les logements situés en zone tendue.
En revanche le bailleur qui ne peut résilier le bail qu’à son échéance avec un préavis de six mois incompressible, se retrouvera en cas de missive non délivrée, face à un bail renouvelé malgré sa volonté première de le rompre.
La messe n’est-elle pas vite dite ?
Gabriel DAHAN 9 décembre 2022
ARRET IN EXTENSO :
COUR DE CASSATION
Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 631 FS-B
Pourvoi n° P 21-17.691
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
1°/ Mme [F] [W], domiciliée [Adresse 2],
2°/ Mme [O] [W], domiciliée [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° P 21-17.691 contre l’arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d’appel d’Amiens (1re
chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [N] [H],
2°/ à Mme [C] [H],
toutes deux domiciliées [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent
arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet
et Associés, avocat de Mmes [F] et [O] [W], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mmes [N] et
[C] [H], et l’avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l’audience publique du 28 juin
2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M.
Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M.
Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat
général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code
de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la
loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
[O] [W] (les bailleresses) sont propriétaires indivises, a donné congé, le 17 avril 2015 pour le 31 juillet de la
même année.
locataire, en paiement de loyers et charges et de réparations locatives. Mme [O] [W] est intervenue à la
procédure.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé
décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la
cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
caution, alors « que le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la
lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier de justice ou de la remise en main propre et que la
date de réception d’une notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est celle
qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire ; que, pour
rejeter la demande de Mmes [W] en paiement d’une somme de 331,98 euros au titre du loyer d’août 2015, la
cour d’appel a retenu qu’un courrier valant congé avait été rédigé le 17 avril 2015 pour une fin de bail au 31
juillet 2015 ; qu’en statuant ainsi, tout en constatant que cette lettre notifiant congé était revenue « pli avisé et
non réclamé » et qu’elle n’avait donc pas été remise au bailleur, elle a violé les articles 15, I de la loi du 6
juillet 1989 et 669, alinéa 3, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :
recommandée, de la signification de l’acte d’huissier de justice ou de la remise en main propre.
congé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postée le 17 avril 2015 et revenue avec la
mention « pli avisé et non réclamé » et retient que ce congé a été régulièrement donné pour le 31 juillet
2015.
par les bailleresses, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a
violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne Mmes [C] et [N] [H], in solidum, à payer à
Mmes [F] et [O] [W] les sommes de 411,39 euros et 360 euros et rejette toute autre demande à leur encontre,
et, en conséquence, condamne Mmes [F] et [O] [W], in solidum, à payer à Mmes [C] et [N] [H] la somme de
128,61 euros, l’arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient et les renvoie devant la cour
d’appel d’Amiens, autrement composée ;
Condamne Mmes [C] et [N] [H] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour
être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son
audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.